Pour l’atelier d’écriture de Leiloona, en s’inspirant d’une photo de Fred Hedin, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

Surpris, Paul s’arrêta brusquement sous le lampadaire de la ruelle mal éclairée. Son ombre avait disparue. Ben voyons, se dit-il, c’est fou quand même, pourquoi mon corps ne fait-il pas obstruction à la lumière du lampadaire? il eut beau se déplacer à gauche à droite, regarder la lumière puis le sol, il ne voyait tout simplement pas son ombre. C’est donc ben étrange se dit-il…Il reprit sa marche nocturne et revint chez lui en se questionnant.
Paul était du type introverti. Depuis l’enfance. C’est fréquent chez le deuxième enfant d’une fratrie. Son frère aîné avait bénéficié des privilèges du premier enfant, celui qu’on désire, qu’on attend, celui qui transforme le couple en famille. Paul, lui, était arrivé onze mois plus tard. Trop tôt. Ses parents étaient fatigués et encore en adaptation de sorte que l’accueil avait été beaucoup moins festif, c’est le moins qu’on puisse dire. Même si un bébé ne met pas de mots sur ce malaise, il le ressent dans son corps et ça sculpte sa personnalité. Très tôt, il comprit donc qu’il valait mieux ne pas être trop demandant, rester silencieux, ne pas déranger. Quand sa petite sœur était arrivée, trois ans plus tard, ses parents y étaient mieux préparés et heureux de l’accueillir. Les parents aiment avoir des enfants des deux sexes. Une sorte de mission accomplie. Il y avait donc l’aîné, la benjamine et lui le cadet comme dans l’expression « C’est le cadet de mes soucis ».
Alors que ses frère et sœur parlaient haut et fort, se chicanaient souvent et recherchaient l’attention des parents, Paul préférait le silence, le calme, ne pas faire de vague, s’organiser seul sans avoir besoin de personne. Ce n’était pas toujours facile, mais il y parvenait assez bien, quitte à sacrifier certains aspects de sa vie où une collaboration externe aurait été la bienvenue. Il se plaisait à passer inaperçu. Son choix de vêtement, sa démarche, le ton de sa voix, l’économie de mot, son comportement en général n’attirait jamais les regards, il se fondait dans l’environnement, ni vu ni connu et ça lui plaisait bien ainsi d’être invisible aux regards et pensées des gens.
En entrant chez lui, il jeta un coup d’œil dans le miroir de l’entrée et ne vit que le mur derrière. Sous le choc, il regarda à nouveau, en se plaçant bien au milieu devant le miroir sans plus de succès. Son cœur s’affola. Impossible, se dit-il, mais qu’est-ce qui m’arrive?
Une voix qu’il reconnaissait surgit alors d’on se sait où autour de lui.
-Ça va aller, Paul, tout va bien se passer. Calme-toi. Une voiture t’a renversé tout à l’heure.
Son grand-père, décédé l’année dernière était là derrière lui, translucide, comme éclairé de l’intérieur.
-Viens Paul, dit-il, il y a des tas de gens qui souhaitent te revoir dans toute ta lumière.
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