Atelier d’écriture: Une photo quelques mots
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La musique plein la tête, Camille n’est plus, n’existe plus. Elle s’est désincorporée pour la durée de sa toune, l’esprit libre, volatile, en expansion dans l’univers, totalement absorbée par le rythme dense, intense qui explose en éclairs de couleurs vives sous ses paupières closes. Camille adore cette chanson de Gun’s and Roses qui la fait voyager, qui endort sa peur, qui prend toute la place, lui fait oublier un instant son mal de vivre. Elle balance la tête, en suivant le rythme, emportée par ces notes qui collent à sa vie comme un coup de poignard en plein cœur.
Les lumières intenses de la station Namur l’incitent à ouvrir les yeux. Elle sera bientôt au bout de la rame de métro. Il ne reste plus que deux stations. Elle connaît ce trajet par cœur pour l’avoir fait si souvent. Il faudra en sortir, revenir sur terre, lourde, embrumée, les yeux qui piquent, le corps fatigué d’avoir peu dormi depuis des jours. Elle pourra reprendre le trajet dans l’autre direction et profiter d’un autre 45 minutes, au chaud, à somnoler, à ne pas être, à s’abandonner à la voix rauque d’Axl Rose. Il faudra pourtant décider, prendre action et c’est épuisant juste d’y penser.
Revenir à la maison? C’est hors de question. Ce serait donner raison à sa mère qui lui fera encore la morale. Aller encore une fois cogner à la porte de l’Accueil Bonneau pour y prendre un repas chaud et passer la nuit? Elle s’était pourtant promise de ne plus y mettre les pieds, d’être autonome, de prendre sa vie en main, de se trouver un boulot, un petit appart et adopter un chien, mais rien de tout cela ne s’est réalisé et la voilà à nouveau à la case départ. Un échec sur deux pattes, comme lui a tant répété sa mère. Il n’y a pas de place pour elle ni ici ni ailleurs. Elle sortira et attendra sur le quai qu’arrive le prochain serpent métallique et hésitera encore une fois, entre un aller-retour et un aller-simple fatal.
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