Pour l’atelier d’écriture d’Alexandra. En s’inspirant d’une photo de Fred Hedin, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

— Bonjour, j’appelle concernant le logement que vous avez annoncé?
— D’accord. êtes vous noire?
— Pardon?
— Êtes-vous noire?
— Heu, non, mais je ne vois pas en quoi ça vous concerne.
— Ici, madame, les noirs et les foncés sont tous logés au rez-de-chaussée, les asiatiques au 1er, tous les écolos, granos, vegétaliens, pro-climat au 2ième étage, les gais, lesbiennes, trans, queer au 3ième étage et les normaux, c’est-à-dire les hétéros chrétiens blanc sont au dernier étage. Alors, dans quelle catégorie êtes-vous?
— Hou là là…Mais qu’est-ce que c’est que cette façon de séparer ainsi les gens?
— Question d’affinité, pour éviter les conflits. Plus les gens se ressemblent et plus il leur est facile de vivre ensemble et se côtoyer. On a bien essayé, au départ de ne pas en tenir compte, mais ce fut rapidement le bordel. Il faut se faire à l’idée que les gens n’aiment pas la diversité, ça les insécurise et ils trouvent alors toutes sortes de raison pour dénigrer et s’éloigner de ceux qui diffèrent de plus de 15% de leurs valeurs, culture et habitudes de vie. C’est prouvé scientifiquement, je l’ai lu sur Facebook récemment, alors on a figuré quelques grandes catégories pour classer nos locataires et ainsi avoir un espace de vie plus paisible pour tous.
— Oh, vous savez, sur FaceBook. Il se dit pas mal de conneries. D’ailleurs, je dois vous dire que je suis un peu choquée que vous classiez comme « normaux » seuls les hérétos chrétiens blanc. C’est à la limite du racisme, ce que vous dites-là, vous vous en rendez compte?
— Je suppose que ça vous offusque parce que vous n’êtes pas chrétienne. Vous êtes quoi? Musulmane, Juive, athée?
— Mais non, ça n’a absolument rien à voir. D’ailleurs la normalité est un jugement très subjectif. Par exemple, si vous êtes le seul blanc dans une communauté entièrement noire, on pourrait alors dire que vous n’êtes pas dans la norme et donc pas normal. Vous aimeriez qu’on dise ça de vous?
— Honnêtement, je m’en balance, parce que je n’irais pas vivre dans une communauté noire, c’est bien trop dangeureux. Bon, outre ça, j’ai autre chose à faire moi. Alors, vous êtes dans quelle catégorie?
— Je n’en reviens pas monsieur. Je suis profondément choquée par vos propos. Je refuse qu’on me catégorise ainsi. Je reconnais que certaines particularités culturelles ou religieuses de communautés autres que la mienne viennent parfois me heurter dans mes valeurs, mais je refuse d’abdiquer et forcer l’humanité à se diviser en clans.
— Ahhh, voyez vous, vous venez juste de reconnaître qu’il y a des communautés différentes avec leurs particularités culturelles et religieuses et que ça vous heurte. C’est justement pour éviter cela qu’on a mis le système en place.
— Bien sur qu’il y a des différences culturelles, alimentaires ou religieuses dans des communautés qui ont vécu séparées les unes des autres par des frontières, mais c’est justement en faisant tomber les frontières de pays, régions, quartiers ou même d’étages qu’on arrive à s’apprivoiser, s’ouvrir à la différence de l’autre. D’ailleurs, à mon avis, c’est justement ces frontières qui finissent toujours pas causer les guerres et les conflits parce que les communautés grandissent et entrent forcément en collision avec les communautés voisines pour l’occupation du territoire et alors l’enjeu sera de savoir laquelle arrivera à imposer ses règles à l’autre par la force. Toutes les guerres débutent ainsi. Toutes! Dites, vous aimez les Beatles?
— Bien sur, tout le monde aime les Beatles. C’était un groupe génial.
— Je vous invite à ré-écouter Imagine de John Lennon, c’est de ça qu’il rêvait pour l’humanité.
— Bon OK. Alors je vous case où?
— Je vais prendre l’étage du haut alors.
— Ahh, je le savais, tout ce discours c’était un peu des conneries non?
— Vous verrez bien. Dit-elle, en s’imaginant déjà former une alliance avec tous les étages en-dessous pour changer progressivement les règles.
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