Pour cet atelier, écrire une histoire intégrant les dix mots suivants dans l’ordre:
tordu, coercition, ornement, pilote automatique, paralysie, raton laveur, dispositifs, bataillon, fait maison, batterie

La neige tombait sans faiblir depuis le milieu de la nuit, s’amoncelant sur les trottoirs mal déneigés de Montréal. Vraiment pas un temps pour sortir et pourtant, mon patron était assez tordu pour exiger que l’on se rende tous au bureau pour la présentation des états financiers. Ce genre de coercition me paraissait ridicule, puisque la plupart d’entre nous aurions pu bosser chacun chez soi en vidéoconférence, tout comme lui qui, ironiquement, présentait les résultats de fin d’année depuis la Chine orientale. La logique absurde de ces multinationales dont les décisions sont trop souvent délocalisées sans tenir compte de la réalité locale. J’ai donc enfilé mon parka, ma tuque, mes bottes de Ski-Doo et mes mitaines, fourré mon laptop dans mon sac à dos et je suis sorti dans la tempête.
J’habitais heureusement à seulement quelques coins de rue du bureau. Le froid était mordant, le vent soufflait fort et j’y voyais à peine, marchant tête baissée pour ne pas recevoir la neige en pleine gueule. Je sus rapidement que mon pantalon serait trempé à l’arrivée, puisque la neige dépassait mes bottes et me montait presqu’au genou. Ici et là, les ornements de Noel des commerces virevoltaient en tous sens, balayés par les vents violents. Je continuai mon chemin, sans lever la tête, un peu sur le pilote automatique, serrant les dents et me contentant de mettre un pas devant l’autre. On sentait bien que les activités de la ville étaient au ralenti. Ces tempêtes hivernales provoquent presque toujours une paralysie économique de la ville, puisque chacun, s’il le peut, préfère se terrer chez lui en attendant que ça passe. Ce n’était malheureusement pas mon cas. Encore deux coins de rue et je serai au bureau. Je croisai un gros monsieur, portant un long manteau de fourrure et un chapeau de trappeur, vous savez, ces chapeaux d’un autre temps qui donnent l’impression d’avoir un raton laveur assis sur sa tête. On voit de moins en moins ce genre d’accoutrement de nos jours, mais ça tient tout de même au chaud, nos ancêtres l’avaient bien compris.
Quand on vit dans un endroit où on doit affronter le froid et à la neige plusieurs mois par année, on finit par mettre en place toutes sortes de dispositifs, c’est une question d’adaptation à son environnement. Dans une ville comme Montréal, par exemple, quand on fait face à une tempête majeure, comme aujourd’hui, la priorité consiste à déblayer rapidement les artères principales, puis les rues secondaires en poussant la neige sur les côtés. Ensuite, dès le lendemain, les souffleuses sont mises à contribution et avancent en bataillon avec leurs camions de charge, dévorant les bancs de neige et soufflant celle-ci dans les camions au ventre vide qui se suivent à la queue leu leu et font place au suivant dès qu’ils ont l’estomac plein. Ils vont ensuite aller se vider dans les sites de dépôt et revenir faire la file derrière la souffleuse. Une sorte d’orgie romaine nordique qui peut durer plusieurs jours sans discontinuer. Cette stratégie fait maison d’évacuation de la neige est à mon avis un bel exemple d’adaptation réussie à notre climat nordique. Les villes situées plus au sud qui ne connaissent pas ces tempêtes hivernales n’ont ni les équipements, ni les stratégies pour y faire face. Nous avons ainsi développé à travers les années, une batterie de mesures qui nous permettent de vivre ici et profiter de chacune des saisons en accueillant la nouvelle avec joie et en quittant la dernière avec soulagement. C’est ça le Québec.
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