Aller nulle part

Publié: 27 décembre, 2023 dans amour, Écriture, Bonheur
Tags:,

Pour l’atelier d’écriture de Gisèle, écrire un texte intégrant les dix mots suivants dans l’ordre.

Enlever, arrêter, motard, hamburger, voyou, kaleidoscope, obscurité, flaque, guirlande, nénuphar.

J’avais envie, ce matin-là, de soulager mon amoureuse du poids qui écrase son bonheur. J’avais envie d’enlever de ses épaules, ces pensées anxiogènes qui l’accompagnent depuis quelques temps. Je voulais arrêter ces pensées qui tournent en boucle dans sa tête et la tourmentent, alors je lui ai proposé une balade en moto.

J’escomptais ainsi lui faire découvrir cette liberté si familière au motard qui roule vers nulle part, simplement pour le plaisir de rouler et sentir le vent contre soi, être entièrement absorbé dans l’instant présent, écouter et apprécier la puissance de la bête que l’on tient entre ses mains, s’imprégner des magnifiques paysages qui défilent, respirer l’odeur de la mer et celle des champs qui viennent nous chatouiller les narines, écouter le ronronnement du moteur qui se mélange au sifflement du vent. C’est beaucoup cela, le plaisir de la moto et je souhaitais le partager avec elle pour éloigner la grisaille qui la tenait prisonnière.

On a roulé longtemps vers le bas du fleuve, hors du temps, sans compter les heures ni les kilomètres, jusqu’à ce que la faim nous rattrape. On s’est alors arrêté dans un petit snack-bar au Bic, en bordure du fleuve, pour déguster un hamburger et des frites. On s’est installé sur la terrasse avec nos habits de cuir et nos verres fumés qui nous donnent un petit air de voyou, pour manger tranquillement et apprécier ce kaléidoscope de couleurs qui s’entremêlaient devant nos yeux, l’odeur saline du fleuve, le vert des montagnes au loin et toutes ces petites maisons aux couleurs chantantes. C’était à la fois calme, apaisant et inspirant. A son sourire, à la lueur qui brillait dans ses yeux et sans avoir à le lui demander, je voyais bien que mon amoureuse appréciait la balade.

On a ensuite décidé de rebrousser chemin, question de revenir avant la nuit, mais on avait mal calculé la distance parcourue. Progressivement, l’obscurité a peu à peu effacé le paysage, ne laissant visible devant nous que les quelques mètres éclairés par les phares de ma Harley. Rouler la nuit, c’est revenir à l’intérieur de soi. Les sens se resserrent et on se concentre sur ce qui est en nous et devant soi, comme dans une salle de cinéma. La route défile en boucle et chaque kilomètre ressemble au précédent, même si on doit rester alerte pour éviter et contourner une possible flaque d’eau qu’on aperçoit parfois à la dernière minute.

Au loin, dans la nuit, les phares des autres véhicules s’allongeaient, comme un longue guirlande lumineuse, blanche pour ceux qui viennent et rouge pour ceux qui vont. Je sentais ma compagne, un peu molle derrière, comme si elle était somnolente. Enfin de retour à la maison et un peu éreinté par la longue journée, j’ai rangé la moto et on s’est fait un tisane, collé tous les deux devant le feu de foyer, aussi heureux d’être chez nous que la grenouille qui retrouve son nénuphar après une virée nocturne.

Laisser un commentaire