Ayant récemment eu du sang quatre jours de suite dans mes selles, je me suis inquiété et j’ai communiqué avec mon médecin de famille (eh oui, j’en ai un. Chanceux!).
Elle m’a dit que je devrais aller voir un gastroentérologue, m’a signé un papier et m’a donné un numéro de téléphone.
J’ai ensuite tenté de joindre le bureau en question, tombant immanquablement sur une boîte vocale où on me disait: « Veuillez nous laisser vos coordonnées, la nature du problème et nous vous rappellerons selon les priorités. Le temps d’attente est de 3 mois à 2 ans ».
2 ans!!!!!! Ça m’a fait rigolé. C’est complètement ridicule d’attendre 2 ans pour avoir un rendez-vous avec un spécialiste. Ça m’a fait penser à l’Ex-URSS où les gens devaient faire la file à la porte des épiceries dans l’espoir d’y trouver quelque chose ou attendre 2 ou 3 ans pour recevoir leur voiture une fois qu’elle a été commandée. On rejette le système à deux vitesses, privé et public, de crainte que ça crée deux classes de citoyens. On se contente alors d’un système où tout le monde est égal, ce qui veut dire « mal servi », dans bien des cas. Le client est bien traité dans le système de santé, le seul problème, c’est que le client n’est pas le citoyen, mais plutôt le Gouvernement.
On dépense des sommes folles et il semble qu’elles ne se rendent jamais jusqu’au premier niveau, là où les services sont donnés à la clientèle. Cet argent s’évapore quelque part, dans les structures d’un système obèse, ajoutant de plus en plus de chefs et de moins en moins d’indiens. Si la santé représente 30% des coûts du Gouvernement, ça signifie aussi que 30% des impôts que je paie servent au secteur de la santé. Comment se fait-il qu’on ait alors si peu de service pour tant d’argent?
J’ai finalement cherché une clinique privée sur internet. On était lundi. J’appelle, demandant à voir un gastroentérologue et pouvoir passer une coloscopie.
– « C’est $500 pour une coloscopie », me répond la dame. Ce montant ne peut être réclamé à l’Assurance-santé. Vous comprenez?
– Oui, je comprend.
– « Quand êtes-vous disponible? » me demande-t-elle?
– Dès que possible.
– J’ai de la place jeudi de cette semaine, est-ce que ça vous convient?
– Heuuu, (j’étais un peu pris au dépourvu), en fait non, j’ai un examen à l’université jeudi.
– Quel moment vous conviendrait mieux alors?
– N’importe quand la semaine prochaine.
– J’ai une place lundi à 13h avec le Dr. Szego, est-ce que ça vous convient?
– Oui, oui, tout à fait.
– Donnez-moi vos coordonnées et je vous enverrai par courriel la procédure concernant la préparation pour la coloscopie.
– D’accord.
– Est-ce que je peux faire autre chose pour vous?
– Non, c’est parfait.
– Si vous avez des questions, n’hésitez pas à communiquer avec moi.
Wow, ça c’est du service, me dis-je. J’ai finalement été passé le test lundi et j’ai eu mes résultats la journée même. Heureusement, rien de fâcheux, j’ai été rassuré, d’autant qu’il y avait un historique familial lié au cancer du colon. Ces $500 étaient en un seul montant. Pas de taxes ajoutées, pas de frais pour l’ouverture du dossier, stationnement inclus, de même que le jus et le muffin après l’examen. Dans la salle où j’ai enfilé la jaquette d’hôpital, on trouvait un casier pour y mettre les vêtements en sécurité, avec une clé que l’on pouvait porter au poignet. Plus convivial que le sac de poubelle jaune qu’on m’avait offert à l’hôpital la dernière fois et que j’avais dû amener avec moi.
La différence fondamentale, c’est de savoir qui est le client. Quand je vais au privé, je suis clairement le client. On prend soin de moi, puisque c’est moi qui paie. Au public, le client, c’est d’abord le Gouvernement. On fait alors les efforts pour répondre à ses demandes, quitte à sacrifier la qualité des services sur le terrain et à laisser les répondants de première ligne avec peu de ressource et leur demander de faire avec.