Atelier d’écriture de Leiloona:
En s’inspirant d’une photo de Julien Ribot, écrire, juste pour le plaisir d’écrire.
Marco était assis à un tabouret du bar, écoutant le match de foot qui se déroulait en sourdine à la télé, derrière le barman. C’était la finale entre Liverpool et Manchester. Liverpool, son équipe favorite menait 1 à 0. Derrière lui, une voix plaisante, un peu moqueuse attira son attention. Il tourna la tête. Elle était assise un peu plus loin, près de la fenêtre.
À l’œil, on lui donnait le début quarantaine, à cet âge où les femmes sont si belles et désirables. Un long cou et des yeux noirs piqués d’une étincelle de malice. Quelques rides lui décoraient le coin des yeux, comme chez ceux qui ont beaucoup rit et beaucoup aimé. Elle portait ses bijoux à la bohème, multiples et colorés, mais bien agencés à ses vêtements dont le bleu était la couleur dominante. Elle sourit au serveur qui lui apportait une bière en fût, dévoilant du coup, une dentition imparfaite, mais parfaitement sympathique, voire coquine. Ses cheveux courts d’un brun-noir naturel, brillaient de minces traînées lumineuses, reflétant les rayons du soleil qui s’infiltraient sans gêne par les fenêtres du petit bistro. Elle lui rappelait Jolène, sa femme. Autrefois. Il soupira. Jolène. Elle avait été emportée huit ans plus tôt par un cancer agressif dont ils ne s’étaient pas remis. Elle moins que lui. Il ferma les yeux, pris une longue respiration, expira complètement et vida son verre d’un trait, dans l’espoir de remplir ce vide accablant. Oubliant la finale de foot, il quitta rapidement le bistro, pressé par l’urgence de prendre l’air, de s’évader, de fuir, de s’immerger dans l’action pour échapper quelques instants aux pensées obsédantes qui l’assaillaient, tel une nuée de moustiques. En franchissant la porte, il vit une jeune femme rousse qui passait par là, portant à l’épaule, un sac bien rempli d’où émergeait la pointe d’une bouteille de vin. Pour préparer un repas à deux, pensa-t-il. Le toc régulier de ses talons contre le pavé et l’ondulation parfaitement rythmée de ses hanches sous sa robe légère, aucunement déphasée par le poids du sac, lui rappelèrent Jolène, forte et fière. Depuis son départ, elle revenait sans cesse le hanter, comme le signet d’un livre oublié sur le banc d’un parc, qui marque à la fois les pages lues et ce qui reste d’une histoire inachevée.