
Imaginez un instant une humanité qui serait un « nous » plutôt qu’un assemblage de « moi » en bagarre les uns contre les autres…
Je lisais ce matin un article concernant les recherches de Joel Bockaert, un neuropharmacologue de renom ayant notamment fondé l’institut CNRS-INSERM de Pharmacologie-Endocrinologie. Ses travaux ont essentiellement été consacrés à comprendre les communications intercellulaires du cerveau.
Cet article concernait les états de conscience modifiées, induits par différents procédés, drogues psychédéliques, transes chamaniques, musiques rythmiques ou danses, qui amènent un individu à se désindividualiser, à s’oublier comme entité unique pour atteindre un état de fusion avec le tout, avec l’univers entier dans lequel on évolue.
Le professeur Bockaert s’est intéressé à ces états de conscience modifiées notamment pour soigner ceux qui sont pris avec une dépression chronique ou des dépendances. Certaines études cliniques ont démontré qu’en traitant les patients avec de la psilocybine (champignons magiques), un peu plus de 25% d’entre eux entraient en rémission dans les semaines suivants de traitement. C’est l’effet dissociatif qui serait semble-t-il à l’origine de ces bienfaits en modifiant le réseau cérébral de son mode par défaut qui s’active dès que l’esprit vagabonde, ressasse le passé, l’avenir ou l’intention de l’autre et qui ramène l’individu à reproduire des comportements ou états de pensée qui lui sont nuisibles. L’effet peut être immédiat et se prolonger dans le temps, même après un seul traitement.
Article intéressant…
Mais cela m’a amené à réfléchir plus loin sur le moi et le nous. Il y a quelques années, j’avais publié un billet concernant le cas de Jill Taylor, une neuroanatomiste ayant vécu un AVC et où la partie gauche de son cerveau était devenue complètement silencieuse, ce qui l’avait amenée dans un état de désindividualisation où elle se sentait connectée à l’univers entier en parfaite harmonie.
Le moi s’était tu pour faire place au nous. Un témoignage qui m’avait beaucoup remué.
Quand on pense juste à notre propre corps. Chacune de nos cellules agit de concert avec toutes les autres en fonction de la survie et de la bonne marche du corps. C’est une machine extrêmement sophistiquée et bien huilée. Le moi, ici, c’est moi, enfin disons toutes ces cellules qui forment mon corps et qui sont soumis à ma volonté ou du moins en partie à ma volonté, parce qu’il y a des mécanismes inconscients. Normalement, dans le corps, quand une cellule ne peut plus jouer son rôle correctement pour le bien du « Nous », elle se suicide par apoptose. C’est le sacrifice ultime. Il n’y a que les cellules cancéreuses qui se rebellent et décident de survivre envers et contre toutes, recréant un réseau sanguin pour s’alimenter et se diffusant aussi dans le reste du corps, comme un nouveau « moi » qui décide de partir à la conquête du corps.
C’est à se demander si l’individualisme ne serait finalement que le cancer de l’humanité.
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