Pour l’atelier d’écriture d’Alexandra K, en s’inspirant d’une photo, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

Jeffrey Cummins, les mains menottés à la table d’échange était assis face au psychiatre du pénitencier à sécurité maximum d’Atmore en Alabama pour sa rencontre hebdomadaire avec le Docteur Oxford.
– Je fais toujours le même rêve Doc. Je suis là, sur la plage où j’ai mis mon voilier en mer et je le vois qui part à la dérive au loin, balloté par les vagues avec des dizaines d’autres voiliers laissés eux-aussi sans capitaine et je ne ressens rien du tout, pas même un peu de regret.
– Pourquoi du regret?
– Ben, parce que la voile a toujours été un des seuls plaisirs que j’ai vraiment eu dans la vie, celui qui me fait ressentir ce bouillonnement au creux du ventre, quand je survole les vagues, bousculé par le vent, l’écume au visage avec cette impression de liberté d’affronter l’immensité et la puissance de l’océan qui pourrait me broyer d’une seule main. Je n’aurais jamais laissé mon voilier comme ça à la merci de la mer, du moins pas sans rien ressentir et là, je suis sur la plage et je le regarde s’en aller avec indifférence.
– Oui, je vois, c’est troublant en effet. Décrivez-moi un peu la plage sur laquelle vous vous tenez dans ce rêve.
– Heu, d’accord, attendez…Je suis là, on est à marée basse et il y a un vieux tracteur sur une plage que je crois reconnaitre dans mon rêve, sans vraiment la connaître dans la réalité. Le tracteur ressemble à celui qu’avait mon père sur la ferme quand j’étais gamin. Arrimé au tracteur, il y a une remorque maintenant vide, parce que mon voilier a été mis en mer et qu’il s’éloigne parmi les autres voiliers laissés eux-aussi sans capitaine.
– Il y a beaucoup d’autres voiliers?
– Oui, il y en a des dizaines, tous voguant sans gouvernail, sans capitaine. Je ne comprends pas pourquoi on les a libérés, mais qu’on les laisse ainsi sans capitaine.
– Libéré?
– Oui, enfin, ils sont libres d’aller où ils veulent, mais sans capitaine, un voilier va immanquablement à sa perte. Il va rapidement couler et être englouti par la mer.
-Je vois. Et vous dites que ce tracteur ressemble à celui qu’avait votre père, c’est bien ça?
– Oui, il ressemble beaucoup à celui de mon père, sauf que dans mon rêve il est orange alors que celui de mon père était rouge.
– Pourrait-on dire qu’il est à peu près de la couleur de votre tenue actuelle?
Baissant le regard sur sa tenue prisonnier, Jeffrey le relève ensuite en faisant oui de la tête.
– Qu’est-ce qui vous a mené ici, Jeffrey?
– Toutes ces personnes qui ne méritaient pas de vivre et qui m’avaient fait du mal à moi ou à ma famille. Je sais, dans un sens, que ce que j’ai fait est mal également, mais je vous garantie docteur, que la terre se porte mieux sans ces individus malfaisants.
– Diriez-vous que vous avez libéré la terre de leur présence?
– Oui, Doc, on peut dire cela.
– Et qu’avez-vous ressenti en commettant ces gestes?
– Ben, c’est un peu étrange à dire, Doc, mais j’ai ressenti ce même bouillonnement au creux du ventre, à peu près le même plaisir que lorsque je fais de la voile.
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