interrogatoire musclé

Publié: 5 juillet, 2009 dans Société
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interrogatoireÀ son retour du Pérou, mon fils et son ami devaient faire un transfert à l’aéroport de Toronto.

À leur arrivée, son ami s’est exclamé « Chez nous!!!!!! ». Il faut dire que le voyage n’a pas été de tout repos.

Ils ont rencontré certaines difficultés en cours de voyage que mon fils a qualifié de « journée la plus éprouvante de ma vie ».

Au Pérou, il y a actuellement beaucoup de manifestations d’autochtones qui s’opposent à la privatisation de l’eau et l’exploitation de l’amazonie péruvienne. Des barrages sont mis en place sur plusieurs routes, par les autochtones,  rendant impossible le passage des autocars. L’armée est également présente à plusieurs endroits. Quelques manifestations ont également tourné à la violence dans certaines régions.

Leur car étant bloqué à un barrage, en pleine nuit, ils ont dû continuer à pied et ont marcher 12h, sans manger et manquant d’eau à travers une région pratiquement désertique. Ils se sont même demandé s’ils s’en tireraient vivants.  Complèment épuisés, ils ont malgré tout pu se rendre à destination avec l’aide d’autres touristes ou de personnes de la place  et enfin visiter, le lendemain matin, le fameux Machu Picchu et la vallée sacrée.  Ils ont pu reprendre un avion vers Lima juste à temps, puisque le lendemain, l’aéroport était fermé par l’armée.

Une fois de retour au Canada, ils pensaient que tout ne serait qu’une formalité. Les agents des douanes ont vu la chose différemment. Pour eux, si 2 jeunes de 19 ans vont passer 3 semaines au Pérou, c’est nécessairement pour servir de mule et ramener de la drogue. Ils les ont donc pris à part, fouillé de fond en comble et interrogé séparément durant plus d’une heure, les accusant sans ménagement d’avoir ingéré de la drogue, les menaçant de les garder en détention jusqu’à ce que la drogue soit évacuée, utilisant des techniques d’interrogatoire connues  (« Ton ami nous a tout avoué! », « Tu mens, ton body langage nous le dis »), leur refusant d’aller au toilette, refusant de leur donner à boire et utilisant toujours un ton très agressif à leur endroit. À la fin,  voyant qu’ils n’avaient rien contre eux, ils les ont finalement laissé partir, sans excuse et ils ont pu prendre leur vol, 10 minutes avant le départ.  Bien que troublé, mon fils a gardé son calme et trouvait même un côté particulier à cette expérience, parce qu’avec tous les films montrant de telles scènes, il pouvait très bien voir ce que l’agent cherchait à faire.

Que peut-on faire dans ce genre de situation? Pas grand chose, semble-t-il. Les agents des douanes ont plein pouvoir pour décider qui peut entrer ou pas au pays et les lois sont assez vagues pour leur laisser la latitude de se comporter ainsi. C’est pourtant, à mon sens, une atteinte à la présomption d’innocence et ce genre d’interrogatoire s’apparente davantage à une harcèlement qu’autre chose. Certains ont déjà dit qu’il valait mieux avoir un criminel en liberté qu’un innocent en prison et que c’est pourquoi nos lois étaient faites ainsi. Visiblement, on ne parlait pas des agents des douanes. Et tout ça, c’est au Canada que ça se passe.

commentaires
  1. Zed Blog dit :

    Ouffffffff… Pierre!

    Je connais des Péruviens qui ont fui le Pérou pour venir s’installer ici, (très multiethnique, Montréal) mais je n’avais aucune idée de ces atrocités surtout pour des touristes. Comment tuer le tourisme!!!!!

    Quel immense bonheur cela a dû être quand vous avez pu vous serrez dans vos bras.

    Et aux douanes, ils ont pu parler français?

    On ne peut qu’être heureux avec vous de vous être retrouvés. Voyager dans plusieurs pays, de nos jours, c’est un pensez-y bien.

    Zed

  2. unautreprof dit :

    C’est quand même ce type d’expérience qui nous fait prendre conscience de l’immense liberté d’ici, qu’on prend pour acquise mais qui est loin d’être la réalité de bien des gens sur Terre.

  3. Zed Blog dit :

    Tu pourrais être surprise, Unautre prof…

    Regarde Octobre et tu en auras un échantillon, de la liberté d’ici. Quand tu ne fais pas de bruit, t’es « libre ». Entre autre.

    Zed

  4. pierforest dit :

    @Zed: Oui, ce fut un plaisir de le revoir et le serrer dans nos bras. Je trouve qu’il s’est finalement très bien débrouillé, face à toutes ces situations pas nécessairement facile. Je trouve qu’il assume bien son autonomie de jeune adulte. Les agents ne parlaient qu’anglais. Sans doute qu’il aurait pu exiger de parler en français, mais ça aurait sans doute été une raison suffisante pour qu’ils le retienne, le temps de trouver un agent bilingue et sans doute lui faire manquer son avion. Mais il se débrouille vraiment très très bien en anglais et il est fonctionnel en espagnol, ce qui l’a aidé au Pérou. Je pense, par contre que ce voyage lui a donné la piqure et je ne serais pas surpris de le voir partir ailleurs l’année prochaine. Il aurait aimé voir la Thailande, mais je lui avais déconseillé, à cause des manifestations. Je lui avait dit que le Pérou était plus tranquille…Des fois, les bons conseils ne sont pas nécessairement si bons. 🙂

    @UneAutreProf: Tout à fait. Quand on profite de la liberté que nous offre notre société, on oublie que c’est loin d’être la même chose partout sur la planète. On ne considère comme un droit, beaucoup plus qu’un privilège. Voir ce qui se passe ailleurs nous donne une perspective différente.

    @Zed: J’ai aussi vu Octobre et je pense au cas de Maher Arrar qui a été arrêté aux douanes puis emmené en Syrie et torturé. Il y a ici également des cas d’horreurs. La liberté est toujours très relative.

  5. unautreprof dit :

    La liberté n’est certes pas absolue mais on est quand même plus libres qu’à bien des endroits…

  6. Je pense qu’il faudrait à tout le moins faire une plainte pour la façon dont les agents de douane ont traité votre fils et son ami. C’est inadmissible. Il faut demander des explications à qui de droit, dénoncer. Parfois, des individus en mal de pouvoir se permettent des excès et si personne ne se plaint, ils poursuivent leur jeu cruel. En fait, c’est un devoir que de dénoncer ces individus dans le but de protéger d’autres personnes de leur méchanceté gratuite.

  7. Caro et Cie dit :

    Les douaniers font exprès de mettre les gens sous tension… Ça nous est arrivé juste en traversant aux É.-U. en motorisé… Les douanes de Détroit sont abominables… Pat une fois s’est fait menacé parce qu’il a ouvert les portes trop vite de la remorque où se trouvaient sa moto et celles de ses chums. La seconde fois, il nous harcelait en nous demandant si nous avions de la marijuana… Et quand je dis harceler, c’était quelque chose à vivre: menaces, questions répétées bêtement et inlassablement sur différents tons, etc. Ils mettent ainsi à l’épreuve les nerfs de la personne qu’ils ont devant eux… Et l’on sait que quelqu’un qui a quelque chose à se reprocher réagira, suera, etc.

    Heureusement Pierre, votre fils n’avait rien à se reprocher et il a pu prendre son vol.. C’est drôle que vous lui ayez suggéré cette destination pensant que le climat était plus tranquille!

    Alors, vous pensez qu’il a la piqure des voyages et peut-être de l’aventure (avec ce qu’il a vécu)?

  8. pierforest dit :

    @UneFemmeLibre: Si je me fie à ce que j’ai lu sur internet, c’est très fréquent. J’aurais aimé qu’il demande à l’agent quel est son nom. Je vais voir si je peux joindre le député de mon comté (Le Bloc). Qui sait, ce sera peut-être pour eux un bon cheval de bataille que de rendre cela public, surtout s’ils peuvent accoler ce genre de comportement au Gouvernement Harper.

    @Caro: En fait, comparativement à la Thailande, c’était pas mal moins risqué, au moment de réserver ses billets d’avion et il voulait vraiment quelque chose d’exotique. L’élément embêtant, à l’époque, était la pandémie. On ne savait pas trop comment ça se répandrait. Côté aventure, il a été servi à souhait et ça lui a donné envie de poursuivre ce genre de voyage.

  9. Méli dit :

    Ouf, c’est presque à décourager de voyager dans des coins un peu exotique… j’avoue que j’aurais capoté un peu à leur place, je n’ai pas l’esprit aventurier, je suis pas mal mémère… Pas drôle ce qu’ils ont vécu aux douanes…

  10. pierforest dit :

    @Meli: Et aux douanes, on s’expose à ce genre de problème, même si on va juste au Mexique et qu’on transfère à Toronto. Personnellement, à moins d’une obligation absolue, je boycotte maintenant cet aéroport, quitte à payer plus cher pour un vol direct. Il n’y a pas de nonos comme ça à l’aéroport Trudeau.

  11. Zed Blog dit :

    Ouais, mais à l’aéroport Trudeau, parait que c’est en anglais que ça se passe…

    Dis donc, Pierre, pour l’Afghanistan ou l’Iran, ou la Palestine, ou le Pakistan ou… moi je tenterais de convaincre fiston d’attendre un petit peu, genre un couple de siècles…

    Tu es pas mal plus calme que je ne l’aurais été…

    Zed ¦)

  12. pierforest dit :

    @Zed: Il y a pourtant de fameux rabais pour un tout-inclus à Kaboul. Tout-inclus, aventure garantie. On peut même économiser et acheter un aller seulement, comme ça, si jamais on ne revient pas, on n’a pas à payer pour le retour. 🙂

  13. Jacks dit :

    Ta citation me rappelle une expérience de collègue.

    En rhétorique, nous avions à faire un exercice en art oratoire devant tous les étudiants du collegue, à l’auditorium. Je défendais l’abolition de la peine de mort. En plein milieu du débat, j’ai fait la citation suivante: Comme disait l’empereur Dioclétien: « Mieux vaut relâcher un innocent que de condamner un coupable ». Fou rire général. Je n’ai jamais été capable de reprendre mon sérieux. Certains étudiants pensaient que j’avais bu pour me donner contenance.

    Je suis d’accord sur le fait que nous vivons dans un système démocratique enviable. Mais dans une société où règne le désordre et la corruption, je crois que je serais prêt à sacrifier certaines libertés fondamentales pour vivre en sécurité.

  14. pierforest dit :

    @Jacks: hihi, ça me fait penser à Yvon Deschamps qui disait qu’il vaut mieux être riche et en santé que pauvre et malade.

    J’aime qu’au Canada, on ait hérité de certaines de valeurs anglosaxones, notamment la présomption d’innocence qui fait en sorte qu’on ne soit pas interpelé sans doute raisonnable que l’on ait commis ou ait voulu commettre un crime. C’est coûteux, en termes de société, parce que le coût du fardeau de la preuve incombe à l’État. C’est un des éléments qui réduisent les possibilités (sans l’exclure totalement) qu’un innocent se retrouve condamné. Le prix à payer, évidemment, c’est que forcément les coupables plus habiles ou plus fortunés que les autres trouveront moyen de se faufiler à travers le système et s’en sortir avec peu de conséquences.

    Je n’aime pas voir les Gouvernements utiliser le prétexte de la sécurité pour restreindre les libertés. C’est parfois trop facile. Je pense notamment à cette loi qui fait en sorte que si une personne est accusée en vertu de la loi anti-terroriste, il n’a pas accès à la preuve déposée contre lui (pour des raisons de sécurité nationale). On ouvre ainsi la porte à des abus. Au moins, au Canada, on a la Charte des Droits et Liberté qui s’inscrit au-dessus des lois, parce que dans la Constitution. Même si je ne partageais pas toutes les idées de Pierre Trudeau et surtout ses façons de faire, je respecte beaucoup l’individu, notamment pour cette Charte.

    Je pense à Bush qui se disait que contre les terroristes, les méthodes d’interrogatoire utilisant la torture étaient justifiées, sinon, ces types ne parlaient pas. Même si l’objectif d’obtenir des informations est critique, celui des Droits de la personne me semble plus important.

    Quand au nom de l’atteinte des objectifs, on sacrifie ses valeurs, je pense qu’on va dans la mauvaise direction. Reste à définir ce qu’est une liberté fondamentale. À mon sens, la présomption d’innocence en est une.

  15. Jacks dit :

    Tu as raison, Pierre

    Ce n’est pas facile d’avoir un juste équilibre. Cette aventure au Pérou est assez éloquente. Il y a de quoi faire réfléchir. Le pouvoir de l’argent permet les pires excès et a de quoi soulever les passions.

    Nous n’en sommes pas là. Mais je crois qu’il y a des similitudes avec la trame de fond que l’on observe ici sur la Côte Nord. Ce qui nous aide présentement, c’est que les autochtones sont peu nombreux. On peut facilement acheter leur collaboration. Pour le reste peu de gens sont conscients des véritables enjeux. Si les autochtones du Pérou ripostent trop fort, nous, nous restons trop silencieux. Nos dirigeants et des financiers habiles ont beau jeu pour dévaliser le Québec avant qu’on s’aperçoivent du tord causé.

  16. Gwendal dit :

    Salut Pierre !
    Permet-moi de revenir sur ta dernière phrase : « Et tout ça, c’est au Canada que ça se passe. »
    Pour information, je crois que c’est ainsi que les choses se passent dans la plupart des pays développés… Ainsi, si ton fils avait été français, il y a gros à parier qu’il aurait vécu les mêmes aventures douanières…
    En France également la Douane est le corps de l’état qui détient le plus de pouvoir discrétionnaire. Avec eux, point n’est besoin de mandats ou autres commissions pour fouiller jusqu’au coin le plus reculé de ton intimité…
    Maintenant, j’aurais une question. Selon ton fils, quel sera le souvenir le plus marquant négativement de son voyage ?
    Sa galère dans les montagnes péruviennes, ou son retour dans un pays développé et « démocratique » ?
    Je gage que ces aventures lui auront apporté une bonne leçon de real-politique et une prise de conscience citoyenne. On dit que les voyages forme la jeunesse, et c’est bien vrai !

  17. Juliette dit :

    un p’tit voyage en Italie la prochaine fois peut-être ?

  18. pierforest dit :

    @Juliette: Il a encore la Thailande en tête. Il cherche les coins avec dépaysement garanti sans que ça ne coûte trop cher. Pour ma part, je reste un accro de l’Espagne. J’adore ce pays.

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