Serendipité

Publié: 24 mars, 2024 dans Écriture, bêtise humaine, Science
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En s’inspirant d’une image et de certains faits véridiques, créer une fiction, juste pour le plaisir d’écrire.

Les découvertes scientifiques se font souvent par hasard ou par accident. On essaie un truc et il se produit quelque chose d’inattendu qui s’avère fructueux et qui mène à une application complètement différente de ce qui avait été prévu initialement. C’est ce qu’on appelle la sérendipité. Le velcro, le téflon, le post-it, la pénicilline, le viagra sont toutes des découvertes qui tombent dans cette catégorie.

Paul Jacovitch souffrait de DMD, l’acronyme pour la Dystrophie Musculaire de Duchenne. Cette maladie génétique avait été diagnostiquée chez lui alors qu’il était âgé d’à peine 3 ans, après de multiples fractures aux jambes et aux bras provoquées par des chutes anormalement fréquentes. Chez les personnes atteintes de cette maladie dégénérative, on constate une faiblesse musculaire générale et progressive, une contraction des muscles au niveau des articulations qui finissent par empêcher les coudes et les genoux de s’étendre complètement de sorte qu’avant leur 12 ans, ils se retrouvent en fauteuil roulant et que la plupart d’entre eux meurent avant d’atteindre 20 ans. C’est une terrible maladie.

Il n’existe pas de traitement contre cette maladie, même si l’année dernière, aux Etats-Unis, la FDA a approuvé la phase 1 des essais cliniques d’un premier traitement potentiel par thérapie génique. Les résultats ont été encourageants. Ceux de la phase 2 viendront un peu plus tard en 2024 et si tout va bien, on entreprendra la phase 3 qui permettrait possiblement la commercialisation d’un traitement 4 ou 5 ans plus tard, mais pour Paul, c’était trop peu, trop tard.

Paul avait cependant la chance d’être né dans une des familles les plus fortunées de la planète qui avait les moyens de trouver des solutions, imposer un rythme plus rapide à la recherche et qui ne s’empêtrait pas dans les considérations éthiques, de sorte qu’ils pouvaient sans s’inquiéter, développer et tester différents traitements dans des pays où on ne se pose pas trop de questions. La piste de la thérapie génique avait été retenue. Cette approche consiste à identifier sur le gène responsable de la maladie, la section d’ADN problématique, la remplacer par la séquence corrigée et réinjecter le tout dans l’organisme du malade à l’aide d’un virus qui se chargera de multiplier et répandre progressivement ces nouvelles supercellules qui à leur tour, se diviseront pour transmettre la bonne formulation d’ADN et ainsi éliminer la maladie dite génétique par remplacement cellulaire. C’est une approche révolutionnaire qui en est à ses balbutiement, mais qui a le potentiel d’éventuellement guérir définitivement la totalité des maladies génétiques.

Même si l’explication de la méthode est relativement simple, sa réalisation est terriblement complexe. Les différentes phases d’essais cliniques peuvent facilement s’étaler sur 10 ans et sont très coûteuses sans garantie de résultat. Pour des gens très fortunés, comme la famille de Paul, on se contente souvent de fixer un objectif à atteindre, une échéance et un budget illimité. Ils laissent les débats éthiques à des subalternes, qui prennent alors les moyens qu’il faut pour arriver au résultat souhaité, peu importe les dommages collatéraux. Il fallait donc un traitement pour guérir Paul avant qu’il n’atteigne les 6 ans, ce qui laissait 3 ans pour réussir.

L’équipe s’installa dans un pays que je ne nommerai pas, où on pouvait tester différentes thérapies géniques directement sur des enfants sans se soucier des différentes phases à respecter et où on pouvait facilement convaincre des gens de participer volontairement aux recherches en y inscrivant un de leurs enfants, moyennant l’assurance que le reste de leur famille serait mise à l’abri de la famine et de l’extrême pauvreté. Une solution gagnant-gagnant, si on veut être un peu cynique.

Le 5 septembre 2027, on arriva au résultat souhaité. La totalité des 156 enfants en bas âge ayant subit la thérapie génique No.64 avaient survécus et demeuraient sains, sans effets secondaires, 6 mois après le traitement. L’équipe célébra en grandes pompes ce succès incroyable et chacun d’entre eux put rentrer chez lui de façon anonyme après qu’on leur ai rappelé l’entente de confidentialité qu’ils avaient signée et en leur remettant un pactole qui les mettraient dorénavant à l’abri de tous soucis financiers pour le reste de leurs jours.

On administra le traitement à Paul et tout se passa bien dans les 6 mois qui suivirent, puis on détecta chez lui une hypercholestérolémie juvénile qui devint de plus en plus difficile à contrôler. On l’hospitalisa dans une clinique privée où une équipe de spécialistes suivit son état au jour le jour. Son cœur cessa malheureusement de battre le 10 novembre 2028. Pourtant, les 156 autres enfants à qui on avait administré le traitement étaient en parfaite santé, grandissait même plus vite que la normale et avaient développé une musculature impressionnante pour leur âge, de sorte qu’on ne comprit pas tout de suite, malgré les doutes, si c’était relié au pas au traitement.

La réponse vint plus tard, en comparant la totalité du code génétique des enfants et celui de Paul. On réalisa que dans ces pays d’extrême pauvreté, la sélection naturelle avait amené des mutations génétiques permettant de tirer le maximum du peu de nourriture ingérée, de sorte que tous ces enfants étaient porteurs de cette mutation qui les protégeaient contre l’hypercholestérolémie ayant tué Paul. La mutation induite par la thérapie génique fit également d’eux des surhumains, grandissant à un rythme ultrarapide, puisque leur corps pouvait absorber une quantité impressionnante de protéines et nourrir leur musculature toujours plus imposante.

Dévasté, la famille de Paul trouva tout de même moyen d’apporter une issue positive à cette aventure, en vendant la formule pour $3,4 milliard à l’armée américaine qui avait dorénavant tout en main pour créer leurs supersoldats.

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