Venue d’ailleurs

Publié: 9 mars, 2024 dans Écriture, climat
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Pour l’atelier d’écriture d’Alexandra K, en s’inspirant d’une photo, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

@Anonimart

Ils avaient baptisé leur voilier DOAL, un acronyme de « Dream Of A Lifetime ». Charles, Joséphine et leurs deux filles, Julia 8 ans et Émilie 1 ans, étaient partis pour un périple de deux années en mer afin de découvrir le monde. Leur rêve s’était brusquement arrêté le 25 octobre 2016, quand ils firent naufrage lors d’une tempête tropicale d’une rare violence à l’ouest des Iles Andaman, alors qu’ils étaient en direction de la Thaïlande. Grâce à leur canot de survie, ils purent rejoindre la rive d’une île située à quelques kilomètres de là, mais pour ajouter à leur malheur, il s’agissait de North Sentinel, cette petite île de 70 kilomètres carrés abritant un peuple guerrier totalement coupé du monde moderne qui n’hésite pas à tuer les intrus qui s’approchent de leur territoire. Charles, Joséphine et Julia y laissèrent malheureusement la vie, peu après avoir touché terre, mais par chance, Émilie conserva la sienne, en étant recueillie par une des femmes du clan ayant perdu récemment un enfant du même âge et qui voyait là un signe du destin.

Après plusieurs tentatives de rapprochement infructueuses, le gouvernement indien avait interdit 20 ans auparavant à qui que ce soit, d’entrer en contact avec le peuple Sentinelle, qui vivait en autarcie sur l’île, de peur qu’il ne soit décimé par un virus auquel sa population n’avait jamais été confrontée. Émilie grandit donc comme une Sentinelle et au cours des 8 années suivantes s’intégra au clan, appris leur langue, coutumes et traditions, tout en se sachant toujours un peu différente, notamment par la couleur de sa peau.

Sa mère adoptive lui avait expliqué que lorsqu’elle était toute petite, elle était venue de l’autre monde au delà de l’horizon et que son destin était, selon le chaman du village, d’établir un lien éventuel avec sa race d’origine pour sauver son peuple, quand se réaliserait, selon la prophétie, la disparition de leur île, submergée par les flots et dont les signes annonciateurs étaient de plus en plus présents.

Aussi, Émilie prit sa mission très au sérieux et régulièrement, s’installait sur la plage pour envoyer de grands signes aux navires passant au loin, en agitant un drapeau, constitué des lambeaux de tissu de ce qui avait été autrefois, sans qu’elle ne le sache, la robe de Joséphine. Sa race, lui répondrait un jour, le chaman le lui avait promis.

Cela se produisit en 2030. Avec la fonte des glaciers et l’accélération des changements climatiques, le niveau de la mer avait monté de 25 mètres et plus d’un milliards d’individus, particulièrement les plus pauvres, avaient dû quitter leur pays, leur maison, tout abandonner et devenir migrants, à l’intérieur des terres ou dans d’autres contrées situées plus en hauteur par rapport au niveau de la mer. L’île North Sentinel, pour sa part, avait beaucoup rétrécie, ses plages avaient reculé de plus de 500 mètres et le peuple Sentinelle, menacé, avait dû déménager le village plus haut dans les montagnes. Il était temps que la prophétie se réalise.

Quand l’équipe de sauvetage, pilotée par le gouvernement indien, accosta sur l’île North Sentinel, à la grande surprise des sauveteurs, Émilie vint les accueillir avec différents présents, colliers et paniers de nourriture, accomplissant ainsi sa mission. Sans trop comprendre pourquoi cette jeune fille blonde aux yeux bleus était là, ils comprirent qu’elle venait d’ailleurs.

commentaires
  1. Adrienne dit :

    Deux fois d’ailleurs, même 🙂
    (mais je crains que la suite ressemble de moins en moins à un conte ;-))

  2. Antigone dit :

    J’ai beaucoup aimé ce que tu as inventé sur cette photographie, c’est très imaginatif et beau.

    • pierforest dit :

      Merci Antigone. Pour ma part, je ne sais jamais où l’image va me mener. J’aime bien quand Alexandra la publie tôt en semaine, pour laisser mijoter cela tranquillement. Bonne journée à toi!

  3. Une histoire intéressante et bien construite à partir de cette simple photo, bravo !

    • pierforest dit :

      J’ai beaucoup de plaisir à ajouter une couche d’imaginaire sur une base très réelle. Ça m’amène à faire des recherches, apprendre des trucs, m’assurer que ça reste plausible, en y ajoutant une touche de fantaisie, quand ça ne tombe pas directement dans la SF que j’apprécie particulièrement. Merci de ta visite Marinade. 🙂

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